Eryn

Une heure du matin. Attablé sur son petit bureau, Allan semblait absorbé par une tâche demandant toute son attention. Penché sur son carnet rempli de gribouillages incompréhensibles, de schémas représentant toutes sortes d'objet bizarres, assemblages hétéroclites de lignes droites, courbes, cassées, couvertes d'annotations illisibles pour la plupart, il ne faisait attention à rien d'autre. Il était bouleversé par ce que sa mère lui avait dit la veille. Ses cheveux blond pâles, longs et fins comme de la soie étaient trempé de larmes qui finissaient par tomber sur sa feuille, la rendant de plus en plus illisible. Ses mots résonnaient encore dans sa tête, tourbillonnant sans cesse, frappant à l'intérieur de son crâne comme s'ils voulaient sortir. Mais il ne pouvait pas oublier. Il ne le pourrait jamais.

« Je vais te raconter une histoire mon chéri » avait-elle commencé. D'abord dubitatif, il l'avait écouté sans sourcilier. Puis, au fur et à mesure du récit, il était devenu de plus en plus pâle, jusqu'à manquer s'évanouir.

  • « Un jour, il y a un peu plus de sept ans maintenant, une jeune femme que tu connais a rencontré un jeune homme pas très loin de chez elle. C'était un voyageur, plein de charme et d'aventure dans les yeux, et cette jeune femme est tombée amoureuse de lui. Ce jeune homme avait malheureusement quelques problèmes, là d'où il venait, et il cherchait un abri. Alors la jeune femme a décidé de l'héberger quelque temps, pour qu'il puisse se reposer de son voyage et préparer son retour chez lui. Mais lui aussi est tombé amoureux, et ils firent tous les deux quelque chose qui allait changer leur vie.

  • Ils ont fait quoi maman ?

  • Ils se sont aimés mon chéri, passionnément et jusqu'à la folie...

  • C'est une belle histoire maman, c'était qui cette jeune femme ? Tata Marie ?

  • C'est une belle histoire oui, mais elle n'est pas terminée. Ils se sont donc aimés, vraiment ! Hélas le jeune homme ne pouvait pas rester ! Il avait une vie, une famille à retrouver, chez lui, très loin.

  • C'est triste quand même, répondit Allan.

  • C'est vrai que ça aurait pu être triste ! Pourtant ça ne l'a pas été. Écoute la fin de mon histoire. Quelques semaines après le départ de ce jeune homme, la jeune fille s'est aperçu qu'elle était enceinte. Elle était désespérée parce que ce petit enfant n'aurait pas de papa. Elle ne savait plus quoi faire, alors un jour, elle s'est réfugiée dans une petite chapelle qu'elle ne connaissait pas. Là, elle a rencontré un autre jeune homme, très gentil, qui en la voyant si triste et abattue, a décidé de la protéger.

  • Même si elle attendait déjà un enfant de quelqu'un d'autre ?

  • Justement à cause de ça mon chéri. Quand ils ont commencé à mieux se connaître, l'enfant est né. C'était un petit garçon, calme et fragile. Alors le jeune homme a dit à cette jeune fille : Si tu veux de moi, j'aimerais et j'élèverais ton fils comme mon propre fils. Cet enfant Allan, c'était toi.

Allan fut abasourdi par cette révélation.

  • Mais alors ? Papa c'est pas mon papa ?

  • Si Allan, ton vrai père c'est celui qui t'a élevé et qui t'a aimé. Mais tu devais savoir que même si ce n'est pas mon mari qui t'a conçu, tu l'as tout de même été par amour. »

Allan se demandait d'où il venait, ne savait plus où était sa véritable place dans ce monde. Pourquoi est-il parti ? Se disait-il. Je veux le connaître un jour ! Depuis la révélation de sa mère, il ne rêvait que du jour où il rencontrerait ce père inconnu.

Plusieurs heures plus tard, Allan s'était endormi sur son bureau, la tête nichée dans le creux de son coude. Il avait fini par se calmer. Un ombre s'approcha lentement de lui par derrière. La fenêtre entrouverte laissait filtrer les rayons de la lune. Un homme se trouvait là, grand et mince, ses cheveux blancs comme l'argent ondulant sur ses épaules. Il posa la main sur les cheveux de l'enfant, doucement, comme pour ne pas le réveiller, mais avec le désir évident de vouloir vérifier sa réalité.

« Alors c'est vrai, se dit-il, j'ai vraiment un fils dans ce monde... Je ne peux pas t'emmener avec moi, et crois bien que je le regrette. Tu dois apprendre les secrets des techniques de ce monde, devenir ingénieur. Tu es doué, tu as ça dans le sang je le sais, tu es mon fils après tout. »

L'enfant tourna légèrement la tête et ouvrit les yeux. Il regarda l'homme accroupi à côté de lui. Il plongea dans ses yeux gris d'acier, remplis de bonté. « Je le ferai père, mais après, vous devrez venir me chercher » répondit-il en refermant les yeux.

Chapitre 1 - Le Palais de l'Oligarque - Part 1

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